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Société d'histoire

L'histoire des commerces de la Côte-des-Neiges

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Les origines de la librairie Renaud-Bray

Par Sylvain Rousseau - mars 2024

Tout a commencé en 1965, lorsque Pierre Renaud (1939-2016) (photo) et Edmond Bray (1914-1998) ont fondé leur nouvelle librairie au 5219, chemin de la Côte-des-Neiges, au rez-de-chaussée de l’emplacement actuel de l’Hôtel Terrasse Royale. La librairie Olivieri a occupé l’endroit par la suite pendant de nombreuses années (photo).

En 1963, Pierre Renaud fondait la Librairie des Deux Mondes (image) au sous-sol du restaurant Chez Vito, sur le chemin de la Côte-des-Neiges, près de l’avenue Lacombe, alors qu’Edmond Bray, depuis quelques années déjà, travaillait à la Librairie universelle au coin de la rue Swail.

Cette librairie était située dans un des plus vieux bâtiments commerciaux du chemin de la Côte-des-Neiges. De nombreux commerces s'y sont succédés depuis 1910. Au début, H.J.  Higginbotham y installa son épicerie avec une boucherie et un bureau de poste. Quelques années plus tard, la Banque d'Hochelaga y installa une de ses succursales.  En 1925, on y verra apparaître la bannière de la Banque canadienne nationale suite à une fusion avec la Banque Nationale. Dans les années 1970, on y retrouvera une succursale de l'entreprise Master Donut (photo).  

Selon un article du journal Le Devoir (juillet 1998), qui cite Pierre Renaud à la suite du décès de son ancien associé, Edmond Bray (photo) ressemblait physiquement à Georges Brassens. Selon lui, Edmond Bray « avait la même tête et il fumait la pipe » comme lui. Avant de devenir libraire, Edmond Bray, originaire d’Auvergne en France, était un pianiste au cabaret Chez Clairette.  Avec son épouse, il aurait ouvert sa première petite librairie sur la rue Maréchal. 

En 1965, les deux libraires de la Côte-des-Neiges repèrent un nouveau local dont la surface disponible de 5000 pieds carrés exige une association. C’est à pile ou face que les deux associés ont décidé dans quel ordre leurs noms allaient apparaître. Les deux associés ont des visions différentes. Edmond Bray est de la vieille école qui privilégie un rapprochement individuel du libraire avec son client. Pierre Renaud est un homme d’affaires passionné par les livres, mais aussi par la culture en général. Ceci l’amènera rapidement à diversifier la marchandise offerte en y ajoutant disques, revues, journaux et cadeaux. Cette approche générale qu’il privilégie se retrouvera dans le titre révélateur d’un article du journal Le Devoir (juin 1988) : Renaud-Bray : le Jean Coutu culturel de la Côte-des-Neiges.   

Vers 1994, Renaud-Bray déplace sa section Jeunesse juste en face dans le nouveau bâtiment du 5252, chemin de la Côte-des-Neiges, qui a pris la place du garage Texaco. Après avoir acheté l’entreprise Club Compact Classique qui y louait un espace, il finira par y regrouper la succursale Côte-des-Neiges (photo). 

Le milieu des années 1990 sera une période de croissance avec l’ouverture de nouvelles succursales francophones, dont celle de Toronto, qui mènera l’entreprise à se placer sous la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, au printemps 1996. Heureusement, Renaud-Bray réussira à se relever de cette erreur stratégique pour revenir encore plus fort à travers les réorganisations et les acquisitions.

À partir de 1996, Pierre Renaud, toujours à la recherche d’innovation et de développement, effectuera un coup de maître en mettant en place la fameuse étiquette Nos coups de cœur qui identifie à même le livre les recommandations du libraire.  

Monsieur Renaud, un passionné de livres qui aimait particulièrement les essais, croyait que s’il proposait seulement des livres à ses clients, il ne réussirait pas à attirer la clientèle dans ses succursales ouvertes sept jours sur sept, plus de 12 heures par jour.

En entrevue à Radio-Canada en 2005, Pierre Renaud confiait à Raymond Cloutier qu’il avait dû emprunter de l’argent à sa mère Annette pour ouvrir sa première librairie au sous-sol du restaurant Chez Vito. Après l’avoir remboursée, il ne lui restait qu’un regret, soit celui que sa mère n’ait pas pu assister à l’essor actuel de son entreprise qui est dorénavant entre les mains de son fils, Blaise Renaud.     

        

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Le bâtiment du Pub McCarold héberge des commerces depuis 1937 

Par Sylvain Rousseau - mars 2024

Situé au coin de l’avenue Lacombe et du chemin de la Côte-des-Neiges, ce bâtiment (photo), dont l’allure extérieure a été préservée depuis sa construction vers 1937, est ancré dans l’histoire du développement de la Côte-des-Neiges.

Au début des années 1990, je me rappelle être allé dîner à cet endroit après avoir été invité par un de mes anciens professeurs de Polytechnique. Ce restaurant s’appelait alors Chez Better. Encore aujourd’hui, on a conservé cette ambiance chaleureuse grâce à un décor intérieur mettant en valeur de belles boiseries.

Sa localisation stratégique, près de l’église paroissiale et de l’Université de Montréal, en a toujours fait un lieu de rassemblement très apprécié. Aujourd’hui, on retrouve au rez-de-chaussée le restaurant McCarold de style pub irlandais qui offre un menu diversifié avec un excellent choix de bières. À l’étage, on retrouve l’élégante salle McHall, idéale pour organiser des événements festifs.     

À partir de 1937, on trouvait à cet emplacement un autre restaurant connu sous le nom de Modern Tea Room (image du Polyscope 10 janvier 1969). L’espace de restauration était alors limité à l’avant du bâtiment, alors que quatre logements occupaient l’arrière du bâtiment du côté de l’avenue Lacombe (carte de 1940 -BAnQ).

Le menu était très diversifié.  Plusieurs membres de notre Société d’histoire se rappellent qu’ils allaient à ce restaurant pour se réunir entre ami.e.s et y déguster un bon repas, une boisson, une pizza, une frite ou un dessert glacé.

Les locaux à l’arrière du bâtiment (3725-3729, avenue Lacombe) hébergeront plusieurs résidences et commerces dont un salon de beauté et le salon de barbier Moderne au cours des années 1970. Il faut aussi noter la présence à cet endroit de la clinique médicale Notre-Dame-des-Neiges (1942-1959) où on retrouvera un dispensaire de la Goutte de lait, comme celui de l’Hôpital Sainte-Justine (photo - archives de l'Hôpital Sainte-Justine). En plus d’offrir du lait pasteurisé, cette organisation offrait des conseils d’hygiène aux mères qui n’allaitaient pas leur enfant, avec comme objectif de diminuer la mortalité infantile.

Sources :

- BAnQ (cartes, annonces de journaux et photo du dispensaire) 

- Le Polyscope 10 janvier 1969

- La Presse 20 janvier 1992

- Insurance plan of the city of Montreal, volume VII, 1940

- Photo du pub McCarold Sylvain Rousseau

- Encyclopédie du MEM - Dispensaire de la Goutte de lait (archives de l'Hôpital Sainte-Justine)

 

 

 

 

 

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La fable du bouvillon avalé par le crocodile

Par Sylvain Rousseau - 8 avril 2024

Une des plus belles résidences de la Côte-des-Neiges fut construite en 1915 au coin des avenues Lacombe et Gatineau. Sur cette photo (fonds Nantel-Bergeron) prise à cette époque, on aperçoit Émilienne Demers devant le bâtiment. Les personnages en avant-plan se trouvent sur un court de tennis situé derrière la Banque Molson (chemin de la Côte-des-Neiges). Cette résidence a d’abord appartenu à Édouard Gohier, un homme d’affaires innovateur. Celui-ci installa son entreprise, la laiterie Mont-Royal, spécialisée dans la pasteurisation, à l’arrière de la maison. Malheureusement, son projet n’obtint pas le succès escompté. Ce grand bâtiment, divisé en plusieurs logements, retrouva donc pendant longtemps une vocation résidentielle.

Vers 1963, ma tante Thérèse Rousseau acheta l’ensemble du bâtiment alors constitué de quatre logements. En effet, il y avait deux adresses sur l’avenue Gatineau et deux adresses sur l’avenue Lacombe. La caisse populaire Notre-Dame-des-Neiges, d’abord située au sous-sol du presbytère, avait été aménagée au rez-de-chaussée sur l’avenue Lacombe et restera à cet endroit jusque vers 1965.  Mon oncle Bernard, ancien tailleur de peaux de vison chez Bleau et Rousseau, vivait à l’étage au-dessus de la caisse populaire. Du côté de l’avenue Gatineau, mon oncle Pierre Rousseau habitait un petit logement à côté du restaurant Au Bouvillon dont il était le gérant.

C’est à cette époque que fut fondé le restaurant Au Bouvillon. Sur cette photo datant de 1964, nous pouvons voir la Caisse populaire Notre-Dame-des-Neiges à l’avant. Ma tante Gertrude Rousseau a longtemps travaillé à cette succursale de la Caisse populaire alors que mon grand-père Antonin a été affecté à la commission de crédit pendant plusieurs années. On peut voir à droite en blanc le restaurant Au Bouvillon.

C’est en 1970 que l’ensemble du bâtiment fut converti en commerce. Dans les années qui suivront, le bâtiment du restaurant Au Bouvillon, que l’on peut voir dans toute sa splendeur (photo), allait connaître ses plus belles années. On y retrouvait plusieurs pièces spacieuses et surtout une des plus belles terrasses du quartier, située du côté sud du bâtiment.

Le restaurant Au Bouvillon était reconnu pour la qualité de sa cuisine (image) et particulièrement celle de son steak. Plusieurs bons chefs s’y succédèrent dont les chefs Roch, Raymond Caron et Ercole.

Simone Riscalla, dans le Photo-journal (juin 1974), propose, après le steak fort apprécié de la clientèle, la meilleure recette du chef Raymond Caron (image). De leur côté, mes parents me parlaient de la succulente tarte au sucre du Bouvillon dont la recette était un secret de Polichinelle dans la famille Rousseau. 

 

Pendant longtemps, le restaurant Au Bouvillon fut un lieu de rassemblement où de grands esprits se rencontrèrent. Par exemple, selon un article de Mario Girard dans La Presse du 24 février dernier, ce serait à cet endroit, en octobre 1973, que René Lévesque, Jacques Parizeau et Yves Michaud commencèrent à réfléchir à une stratégie pour gagner les prochaines élections (15 novembre 1976) et qu’ils décidèrent de fonder le journal Le Jour, sous l’écoute attentive d’une journaliste qui mangeait à la table d’à côté.   

Cet établissement fut aussi une source d'inspiration pour Réjean Ducharme qui composa les paroles de la chanson Le révolté (Solidaritude - 1973) pour Robert Charlebois. En voici les premières lignes :   

Je viens de sortir du Bouvillon

Je m′en vais au café campus

Je ne sais pas si c'est mes cheveux longs

Ou mon T-shirt qui pogne le plus

 

En 1988, le bar Le Crocodile s’installa dans ce bâtiment après plusieurs mois de rénovation par le nouveau propriétaire Bernard Ragueneau (Hôtel de la Montagne, Thursdays, …). On y enveloppa le bâtiment de chrome tant à l’extérieur que dans le décor intérieur donnant encore aujourd’hui un air des années 1950 à ce bâtiment maintenant devenu centenaire.

Dans un article de La Presse intitulé Le crocodile a avalé le bouvillon, Françoise Kayler décrit ce commerce comme « un monstre métallique recouvert d’une carapace scintillante ». L’établissement est, en fait, devenu une brasserie, produisant sa propre bière sur place dans des cuves de cuivre, avec un bar au rez-de-chaussée et une cuisine à l’étage.

En 2003, dans un article du Quartier Libre intitulé la « FAÉCUM a les dents longues », la Fédération des associations étudiantes du campus de l’Université de Montréal (FAÉCUM) se montre même intéressée à acheter le bar Le Crocodile pour conserver ce lieu de rassemblement étudiant et éviter la reconversion du bâtiment, le propriétaire actuel ayant l'intention de s'en départir. Ce  projet ne s'est pas concrétisé pour diverses raisons financières et administratives.

À partir de 2006, le bâtiment hébergera le Tabasco bar dont le propriétaire était Sacha Ragueneau, fils de l’ancien propriétaire du bar Le Crocodile. Cet endroit, comme son voisin La Maisonnée, continuera à être un lieu de rassemblement, entre autres pour les étudiants qui veulent se rencontrer autour d’une bière après les cours. Les deux brasseries de ce carrefour ont longtemps été animées en fin de soirée lorsque la clientèle étudiante s’y regroupait.    

Depuis 2016 et jusqu’à sa récente fermeture, la microbrasserie Saint-Houblon y avait installé une de ses succursales. J’ai eu la chance d’y faire le lancement de mon livre en mai 2023 avec les membres de la Société d’histoire, ma famille et mes amis (photo).  Cet événement m’a permis de découvrir un emplacement chaleureux, apprécié par la communauté locale. J’y ai vu des musiciens s’y regrouper. J’y ai ressenti un attachement familial, même si je ne me souvenais pas d’être entré dans ce bâtiment au cours de ma jeunesse.     

Aujourd’hui, le chrome du bâtiment a certes perdu de son lustre. Quelle sera la suite de cette fable du bouvillon avalé par le crocodile?  Sous quelle forme mythologique se métamorphosera ce monstre jadis scintillant? Qu'arrivera-t-il de ce bâtiment centenaire (photo)?

Une immense pancarte À louer est actuellement plantée sur la terrasse. Il faut espérer que le propriétaire actuel réussira à remettre ce bâtiment en valeur en lui faisant retrouver sa beauté originale tout en continuant à dynamiser la vie de la communauté locale.

Qu'arrivera-t-il de ce bâtiment centenaire?

Je trouve que l'histoire de cet établissement est vraiment inspirante. Sous forme de fable, j'ai composé un petit poème associé à cet article.

Cliquez-ici pour lire ce poème

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La pharmacie Miron 

Par Sylvain Rousseau - janvier 2023

En 1891, juste après avoir gradué en médecine à l’Université Laval de Montréal, le docteur Joseph Albini Charette (1865-1914) épouse Hermine Dagenais (1870-1934) lors d’une cérémonie de mariage bénie par le curé Napoléon Maréchal de la paroisse Notre-Dame-de-Grâce dont faisait partie la chapelle Notre-Dame-des-Neiges. Ils auront un fils, Philippe Auguste Charrette (1893-1939).

Le docteur J.A Charrette sera le médecin du village, mais il sera aussi marguiller de la nouvelle paroisse de Notre-Dame-des-Neiges (1901- ), commissaire de l’école, puis le dernier maire avant l’annexion à Montréal. En effet, il succédera à Joseph Brunet en 1907 et confiera l’annexion aux échevins Eustache Prud’homme et James McKenna en 1908.

 

En 1902, il se fera bâtir une belle maison au coin Côte-des-Neiges et Lacombe, puis, en 1907, il construira la pharmacie Northmount juste à côté sur l’avenue Lacombe dans laquelle il y aura un bureau de poste. Au début du 20ième siècle, la Northmount Land Company, dont le nom fut sans doute inspiré par la ville de Westmount, avait racheté plusieurs terres agricoles dont celles de James Swail pour établir un développement immobilier appelé Northmount où les plus fortunés pouvaient commander une belle maison sur mesure. Il y avait une quincaillerie Northmount, une rue et même un club de baseball Northmount dont le nouveau curé Perreault était d’ailleurs très fier.

Le journal La Patrie du 3 octobre 1907 annonce l’ouverture imminente de la pharmacie du Dr. Charrette. En 1908, le conseil municipal s’établira dans une salle de la pharmacie Northmount car il n’y avait pas d’hôtel de ville. Le fils du Dr. Charrette, qui prendra la relève comme médecin, vivra à l’étage de cette pharmacie avant de reprendre la maison familiale suite au décès de sa mère en 1934. Tout comme son père, Philippe décédera assez jeune.

En ce début de 20ième siècle, il est intéressant de noter que le médecin avec sa pharmacie avait en quelque sorte un célèbre compétiteur : le Frère André. En effet, le portier du Collège Notre-Dame était devenu très populaire auprès des paroissiens auxquels il distribuait un médicament universel : l’huile de Saint-Joseph. Souvent le frottage avec l’huile de Saint-Joseph était la solution appliquée aux paroissiens dont les maux n’avaient pu être guéris par des moyens plus scientifiques.

Avec le rachat des terres de la Northmount Land Co. par l’Université de Montréal vers 1928, le projet de la Northmount tombera à l’eau et plusieurs de ses belles maisons seront éventuellement démolies pour faire place au campus de l’Université. Vers 1940, la maison des Charette est reprise par le docteur Lafortune et la pharmacie change de nom pour devenir la pharmacie Côte-des-Neiges. Adrien Desforges, mon grand-oncle, s’y installera à l’étage avec sa famille. D’ailleurs, l’ancêtre de la famille Desforges est Jean-Baptiste Desforges dit Saint-Maurice qui fut un des premiers censitaires de Côte-des-Neiges en 1698. En effet, ça fait plus de 325 ans que les Sulpiciens, les seigneurs de l’île de Montréal, ont fondé ce fief.

La photo (plus bas) montre le côté est de cette pharmacie vue du coin des avenues Lacombe et Gatineau en regardant vers le chemin de la Côte-des-Neiges (flèche rouge sur la carte de 1912). Au premier plan, on voit le tailleur Tobia Felli (1881-1956) de la Côte-des-Neiges, accompagné de son épouse, marchant sur un trottoir de bois près de l'emplacement actuel de La Maisonnée (X rouge carte 1912). Cette photo inédite, fournie par la famille Felli, nous dévoile donc l'aspect du carrefour des avenues Lacombe et Gatineau vers 1910. Cette pharmacie a donc été le tout premier commerce d'un secteur commercial animé notamment par la vie étudiante. Lorsque j'ai vu cette photo pour la première fois, j'ai eu de la difficulté à m'y retrouver, car je n'apercevais pas les bâtiments du Caravane Café (1917) et du Saint-Houblon (1915).        

Puis, c’est vers 1949 que le pharmacien Léo Miron (1907-1992) viendra s’installer dans la Côte-des-Neiges avec son épouse Blanche Leroux (1908-2002) et ses enfants Micheline et Guy. Il avait auparavant acheté l’ancienne maison des Charette ainsi que leur pharmacie. Pendant une dizaine d’années, il conservera le nom de pharmacie Côte-des-Neiges bien que son nom, Léo Miron, sera affiché de façon dominante sur les murs extérieurs de sa pharmacie. Sa fille Micheline se mariera en 1958 à l’église Notre-Dame-des-Neiges juste en face de la maison familiale.

En 1967, la pharmacie Miron déménage au coin Côte-des-Neiges et Édouard-Montpetit dans un nouveau bâtiment (no.3). Le petit bâtiment de bois de la pharmacie sera abandonné et démoli vers 1970. À peu près au même moment, la Caisse Populaire Notre-Dame-des-Neiges qui avait été créée au sous-sol du presbytère et qui était située au rez-de-chaussée du bâtiment du restaurant Au Bouvillon (no.4) déménagera au même endroit ce qui permettra l’agrandissement à la fois du restaurant et de la caisse populaire.

Sur la photo aérienne datant du début des années 1970, on voit les emplacements suivants :

1- Lieu d’origine de la pharmacie Miron

2- Lieu de la maison du Dr. Charrette

3- Nouveau bâtiment commercial (1966)

4- Restaurant Au Bouvillon (1961-1987)

 

En 1977, une succursale de la Banque Nationale du Canada sera construite sur le lieu d’origine de la maison (no.1) et de la pharmacie Miron (no.2).

En 1986, la Banque Nationale et la famille Miron ont remis une maquette de la maison et de la pharmacie des Miron à la Société d’Histoire de Côte-des-Neiges. De part et d’autre de la maquette, on aperçoit Blanche, épouse de Léo Miron, en noir et sa fille Micheline Miron en fuchsia dans ce qui semble être la succursale de la Banque Nationale au coin Lacombe et Côte-des-Neiges.

En retrouvant une annonce dans La Presse du 22 juillet 1987 qui mentionne que la pharmacie Miron était à la recherche d’un commis pour son bureau de poste, je ne peux que constater que cette pharmacie avec son bureau de poste a été, pendant des décennies, une institution ancrée solidement au cœur de l’histoire et du développement du village de la Côte-des-Neiges. Vers 1988, la pharmacie Miron changera de nom une dernière fois avant de disparaître quelques années plus tard.

Cette institution, qu’on a d’abord appelé la pharmacie Northmount, puis la pharmacie Côte-des-Neiges et enfin, la pharmacie Miron, représente tout un pan de l’histoire de la Côte-des-Neiges. Plusieurs familles fondatrices du quartier y ont travaillé, y ont vécu, y ont grandi et s’y sont rassemblés ou retrouvés pour diverses raisons. À travers les murs de cette pharmacie, qui était à l’origine un modeste bâtiment de bois peint en blanc, nos souvenirs nous permettent encore aujourd’hui de revivre ou d’imaginer la vie du quartier et de mieux en comprendre l’histoire.

 

Sources : 

BAnQ, Album-souvenir du 50ième de NDDN, La Presse, Le Devoir, La Patrie, Archives de la SHCDN, Atlas Goad 1912,  Archives de la famille Felli  et les hyperliens suivants:

Ouverture de la pharmacie Northmount (La Patrie 3 octobre 1907) : https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/4316119?docsearchtext=Pharmacie%20Northmount

La Presse 20 février 2010 : Frère André : le mystère entourant les miracles...

P A Charrette 1927 (894 Lacombe 1920) Le devoir 27 juin 1927 : https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/2803678?docsearchtext=Philippe%20Auguste%20Charette

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Le bâtiment du Caravane Café 

Par Sylvain Rousseau - mai 2024

Le bâtiment du Caravane Café (photo de Steve Knezevic), situé sur l’avenue Lacombe à l’intersection de l’avenue Gatineau, a d’abord été une résidence située sur le chemin de la Côte-des-Neiges. En effet, on observe ce bâtiment sur une carte de 1907 (cercle rouge) en face de la chapelle Notre-Dame-de-Neiges, à l’emplacement de la future école Notre-Dame-des-Neiges (1918). 

 

Entre 1911 et 1917, ce bâtiment hébergea l’école protestante de la Ville Notre-Dame-des-Neiges. Il fut déplacé à l’endroit actuel en 1917 (carte de 1912), pour faire place à l’école Notre-Dame-des-Neiges et redevint une résidence privée. Le médecin J. A. Choquette y vécut dans les années 1920, puis l’avocat J.E. Lafontaine, dans les années 1930.

Mon arrière-grand-père, E. Z. Massicotte résida à l’étage de ce bâtiment entre 1934 et 1937. J’ai récemment trouvé une photo prise du balcon de cette maison par mon arrière-grand-père vers 1937. Nous y voyons mes deux oncles Massicotte qui sont sur le balcon de cette impressionnante demeure qui est si bien conservée.

Derrière mes oncles, sur le côté est de la maison, là où se trouve actuellement La Maisonnée, nous apercevons la pharmacie Côte-des-Neiges d’Arthur Provencher et une Ford Model A (ou Chevrolet Universal) stationnée sur l’avenue Lacombe. Deux ans plus tard, cette pharmacie déménagea dans le local de la pharmacie Northmount de la famille du docteur Charrette, à la suite du décès de Philippe-Auguste Charrette. Quelques années plus tard, la pharmacie Côte-des-Neiges deviendra la pharmacie Miron.

    

Après avoir vécu sur l’avenue Coursol, à Sainte-Cunégonde, Edouard-Zotique (EZ) Massicotte, dont l'épouse venait de décéder, vint habiter dans cette maison de la Côte-des-Neiges avec sa fille Suzanne*.

Depuis 1928, son fils Jean-Maurice (mon grand-mère) vivait dans la Côte-des-Neiges avec son épouse Marie et leur fille aînée Claude (ma mère).  Ce sont les deux plus jeunes frères de ma mère, Pierre et Paul,  que nous voyons sur la photo (plus haut).

Par la suite, EZ  quitta la Côte-des-Neiges pour aller vivre près du carré St-Louis.

 

* Note :  Suzanne est la mère de Louise Trudel, membre de la Société d'histoire et relectrice du Facteur-des-Neiges. 

    

Sur cette photo (plus bas) d’un des derniers véhicules de pompiers de la caserne 27 tirés par des chevaux (gracieuseté de la famille du capitaine Léopold Lussier), on aperçoit, à droite, l’arrière du bâtiment du Caravane Café entouré d’un balcon vers la fin des années 1930. 

À travers son histoire, ce bâtiment a principalement été une résidence privée ayant appartenu à des professionnels, tels des médecins, des avocats, des directeurs d’école, un architecte et un urbaniste. En plus des personnes déjà mentionnées plus haut, notons le docteur J. W. Turcot, dont la fille Mariette épousa le professeur Gérard Chaumont (1946). Le couple Chaumont-Turcot continua à vivre à cet endroit pendant une vingtaine d’années. C’est probablement pour cette raison que plusieurs anciens de la Côte-des-Neiges ont nommé ce bâtiment la maison Chaumont.   

Quand j’étais jeune et que j’allais à l’école, je passais devant le dépanneur La glacière situé au sous-sol et dont l’entrée était du côté de l’avenue Gatineau. À partir de 1981, le rez-de-chaussée de la résidence de l’avenue Lacombe deviendra l’agence de voyages Tourbec et ce commerce restera à cet endroit pendant plus de 25 ans.       

Aujourd’hui, on y retrouve le Caravane Café, un café accueillant qui est bien implanté dans sa communauté. Il y a quelques années, j’ai pu me rendre à l’étage du bâtiment qui était encore ouvert à la clientèle. J’y ai vu quelques étudiants naviguant paisiblement sur l’internet avec un bon café. J’ai alors été impressionné par la préservation des superbes boiseries et des meubles anciens, dont une vieille baignoire. Je ne savais pas encore à l’époque que c’est précisément dans ces locaux du 3508 (à l’étage du 3506) que mon arrière-grand-père avait vécu. Il est clair que ce bâtiment, un des plus anciens et des mieux préservés de la Côte-des-Neiges, a une âme qui regorge d’histoire.

Pour en savoir davantage sur les origines de cette résidence qu'on devrait dorénavant appeler la maison Claude, cliquez sur cet hyperlien :  https://smcdn.ca/articles-residences#claude

 

Photo Sylvain Rousseau 2023

 

Sources : 

BAnQ, cartes et annuaires

Archives des familles Lussier et Rousseau

 

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La Petite Chaumière et sa grande histoire

Par Jonathan Buisson - juillet 2024

Introduction

Dans Côte-des-Neiges, nous retrouvons plusieurs restaurants qui font le bonheur des estomacs affamés des passants arpentant le quartier dans le cadre de leur travail, de leurs études, ou simplement de façon récréative. Ils viennent pour profiter de certains bijoux culinaires confectionnés de façon artisanale, empreints d’amour, avec des saveurs et aromates multiples et mis en valeur par de petits restaurants uniques. Ces derniers se font de plus en plus rares face à cette marée incessante de restaurants franchisés, souvent sans âme, où les employés, blasés de leur travail formaté et impersonnel, effectuent à répétition des tâches dénuées de sens, conférant au produit final une saveur uniforme, peu goûteuse et de qualité acceptable, mais non exceptionnelle.

 

Bien avant l'ère des restaurants franchisés, Côte-des-Neiges abritait de nombreux petits établissements où l’on servait de la nourriture de qualité. Cependant, un restaurant en particulier se démarquait des autres. Dans les années 1940, ce petit restaurant faisait fureur dans le quartier et ceux qui le fréquentaient se souviennent encore de cet endroit chaleureux, réputé pour la qualité exceptionnelle de sa cuisine. Ce restaurant s’appelait La Petite Chaumière.

 

Description du bâtiment et son évolution

Le bâtiment était situé à l’époque sur le chemin de la Côte-des-Neiges, au coin nord-est de l’intersection avec le chemin Queen-Mary (image).  À l’origine, cette portion du chemin Queen-Mary était un chemin privé où seul le tramway pouvait circuler. Selon certaines notes provenant de documents de La Petite Chaumière elle-même, l’emplacement où fut construit ce restaurant fut le témoin d’un événement historique lointain, soit celui de la capitulation de Montréal en 1760. Le premier élément de l'ensemble de deux bâtiments qui allait constituer La Petite Chaumière était la maison de Willie Perrault, qui, dit-on, avait déjà 140 ans lors de la construction du restaurant (photo ici-bas).

Cette maison deviendra la partie nord de l’établissement. Du côté sud de la maison, un bâtiment à deux étages fut juxtaposé à cette demeure (photo de droite). Comme en témoigne cette dernière photo, on retrouvait à cet endroit un genre de restaurant-dépanneur comme on en voyait un peu partout à Montréal, souvent nommés "light lunchs". Cette construction date environ des années 1920.

En 1941, l’architecte Paul-Henri Lapointe se vit confier le mandat de transformer cet établissement. Les deux bâtiments furent alors intégrés en un seul par des modifications architecturales réussies, laissant à peine percevoir qu’à l'origine il s’agissait de deux bâtiments distincts (photos).

    

Ce bâtiment abrita La Petite Chaumière et le Blue Angel Café, arborant au sommet de son toit le drapeau britannique, l’Union Jack, pour une raison inconnue. La façade principale en brique était peinte en blanc et le toit était rouge. Quand on arrivait sur le chemin Queen-Mary en direction de l’est, on pouvait apercevoir La Petite Chaumière au bout du chemin et à l’horizon, la tour de l’Université de Montréal.

Le restaurant pouvait servir jusqu’à 140 personnes avec une salle à manger et une section casse-croûte. Une carte en couleur des principales artères de Montréal ornait l’un des murs, renseignant ainsi les touristes (photos).

Transition vers les nouveaux restaurants

Vers la fin des années 1950, alors que l'on songeait à élargir le chemin Queen-Mary, ce bâtiment fut démoli. D'autres restaurants firent alors leur entrée dans l'offre culinaire du quartier, tels que Chez Vito et Paesano. Le Bouvillon devint également un restaurant d’exception dans le quartier. Le terrain qu‘occupait jadis cette chaumière demeura vacant et servit de terrain de jeu pour les enfants. Par la suite, un stationnement y fut aménagé (photo) avant qu’un bâtiment ne soit érigé au milieu des années 1970.

Conclusion

La vieille maison de Willie Perrault, datant fort probablement des années 1800, fut d’abord transformée, puis démolie, effaçant peu à peu les traces du passé villageois du quartier. Plus Côte-des-Neiges avance en âge, plus on voit surgir une succession de nouveaux bâtiments remplaçant les habitations pionnières.

La Petite Chaumière et les autres établissements emblématiques de Côte-des-Neiges ont marqué une époque révolue, où l'authenticité et le charme des petits restaurants définissaient le paysage culinaire du quartier. La démolition de ces bâtiments historiques, tels que la maison de Willie Perrault, symbolise la transformation inexorable du quartier sous l'impulsion de la modernité.

Malgré la prolifération des restaurants franchisés sans âme, il est crucial de se souvenir de ces lieux uniques qui ont forgé l'identité de Côte-des-Neiges. Ces souvenirs culinaires et architecturaux doivent être préservés dans notre mémoire collective, rappelant que derrière chaque ancien bâtiment se cache une riche histoire, faite de rencontres, de rêves et de saveurs inoubliables. En honorant ce passé, nous pouvons espérer inspirer une nouvelle génération de restaurateurs à embrasser l'authenticité et la passion qui caractérisaient ces joyaux d'antan.

 

Sources : 

BAnQ

Archives de la Ville de Montréal

Archives de la Société d'histoire de la Côte-des-Neiges

 

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Le Café Campus de Côte-des-Neiges

par Jonathan Buisson - novembre 2024

Parmi les lieux incarnant l’esprit créatif et festif de Côte-des-Neiges, le Café Campus occupe une place de choix dans les souvenirs des générations qui l’ont fréquenté. Je vous propose un retour dans le passé pour redécouvrir l’histoire de ce lieu emblématique du quartier, avant son exode vers le centre-ville.

Né d’un boycottage de la cafétéria universitaire en 1966, le Café Campus a vu le jour grâce à un groupe d’étudiants qui ont déniché un local pour offrir boissons et nourriture. Initialement situé à l’angle de l’avenue Decelles et du chemin Queen-Mary, ce lieu, conçu au départ comme une simple alternative à la cafétéria, a rapidement évolué pour devenir un bar et une salle de spectacle. De nombreux artistes québécois y ont foulé les planches, contribuant à en faire une institution culturelle.

Le projet d’un espace artistique à l’image du Quartier latin germait depuis le début des années 1960. Les étudiants avaient envisagé d’installer ce lieu culturel dans une vieille église anglicane de la rue Jean-Brillant, mais les coûts de rénovation dépassaient leur budget. Lorsque le boycottage a pris fin, ils se sont tournés vers une grande salle au coin de Decelles et Queen-Mary, brièvement utilisée comme cafétéria d’urgence, où ils ont lancé le premier Café Campus, géré en partenariat.

 

Le défi consistait à rentabiliser cet espace en proposant une gamme variée de services sur une plage horaire étendue, jusqu’à 16 heures par jour.

Ainsi, le Café Campus ouvrait ses portes tous les jours, de 8 h à minuit, fonctionnant comme restaurant en journée et se transformant, en soirée, en boîte à chansons, discothèque, salle de jazz, de théâtre, de réception et de réunion. Les soirées discothèque étaient accessibles dès l’âge de 20 ans, avec des prix abordables, bière et vin à 0,40 $.

Ce lieu a vu passer de nombreuses figures de la scène culturelle québécoise : Jean-Pierre Ferland, Jean-Guy Moreau, Pauline Julien, Louise Forestier, Robert Charlebois, Claude Dubois, les Cyniques, entre autres. Dans les souvenirs des gens, cet endroit était un lieu de rencontre où l’on pouvait entendre et voir des groupes de musique ou des artistes adorés, ainsi que découvrir de nouveaux talents émergents de l’époque. Beaucoup se souviennent de la piste de danse, où ils se déhanchaient sous des rythmes endiablés, des moments inoubliables gravés dans la mémoire de tous ceux et celles qui s’y sont trémoussés.

    

Le Café Campus a aussi permis à de nombreux étudiants de décrocher des emplois comme disque-jockeys, serveurs, responsables de l’éclairage, de la mise en scène ou du son. Certains ont même fait leurs premiers pas dans la chanson, la poésie, la musique ou la comédie. Le Café Campus est demeuré à cette adresse jusqu’en 1993, avant de déménager rue Prince-Arthur, à Montréal, en raison des plaintes répétées des résidants du quartier.

En somme, le Café Campus a marqué des générations en s'imposant comme un lieu incontournable de la culture montréalaise. Au fil des décennies, il a su évoluer tout en restant fidèle à son esprit d'inclusivité et de liberté artistique. Sa contribution à la scène musicale et culturelle de Montréal est inestimable et son héritage continue d’inspirer. Pour beaucoup, le Café Campus demeure un symbole vibrant de créativité et de rassemblement, un lieu où la culture s'est vécue intensément et collectivement.

 

Sources : 

Wikipedia – Café Campus. https://fr.wikipedia.org/wiki/Caf%C3%A9_Campus

Le Café Campus a ouvert ses portes en 1967 – Forum, 19 février 2007. https://archives.umontreal.ca/histoire-de-luniversite/articles-thematiques/activites-et-evenements/lecafecampus/

Sylvain Cormier. Le Café Campus, 50 ans de rites de passage. Le Devoir, 18 février 2017. https://www.ledevoir.com/culture/musique/491892/le-cafe-campus-50-ans-de-rites-de-passage

 

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