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Société d'histoire

Les sports et loisirs

Les glissoires de la Côte-des-Neiges (1883-1930) 

Par Sylvain Rousseau - janvier 2024 (mise à jour janvier 2025)

La Côte-des-Neiges était reconnue pour la pratique des sports d’hiver, dont la raquette et le toboggan. C’est un membre du Montreal Snow Shoe Club qui eut l’idée d’organiser à Montréal le premier carnaval d’hiver en Amérique du Nord. Lors de ce grand événement international tenu du 22 au 28 janvier 1883, un immense palais de glace (image) fut érigé au Square Dominion (devenu Square Dorchester). Le journal Canadian Illustrated News mentionne que trois glissoires éclairées à l’électricité ont été aménagées à la Côte-des-Neiges, au parc du mont Royal et sur la rue Peel. On recommande aux touristes de ne pas quitter Montréal sans y avoir fait au moins une descente en toboggan.

En 1887, le programme du Carnaval de Montréal, inclut des activités à l’Athletic Club House de la Côte-des-Neiges (photo). Situé au pied de l’Oratoire actuel (coin des rues du Frère-André et Coronet), ce pavillon sportif était un lieu prisé des amateurs de toboggan qui glissaient dans la pente adjacente faisant face au Collège Notre-Dame. Le club de raquetteurs Le Montagnard en avait aussi fait son lieu de rassemblement en 1896, tel que mentionné dans le programme du Congrès international des raquetteurs de 1938.  

Cette glissoire et ce pavillon disparaîtront lorsque le terrain sera acheté par la Congrégation de Sainte-Croix. Le frère André y installera sa première chapelle en 1904. Par la suite, l’oratoire Saint-Joseph sera construit à cet endroit près de la chapelle.

En 1909, on peut lire dans La Presse que le Club de traîne sauvage Northmount a fait construire une nouvelle glissoire avec une descente d’un demi-mille (804 m). Nous avons retrouvé une image qui la représente bien dans son emplacement du chemin de Polytechnique actuel, avec son sommet près de Polytechnique Montréal.

En effet, on peut retracer quelques indices qui permettent d’en identifier le lieu. Les nombreux arbres fruitiers témoignent de la présence caractéristique de vergers de pommes et de poires. De plus, on aperçoit la maison de la famille Swail (Villa Mont-Royal) à gauche sous le médaillon des joueurs de hockey, vis-à-vis du bâtiment actuel de la Faculté de droit de l’Université de Montréal. Puis, en bas de la glissoire, près de l’avenue Decelles, on peut aussi voir ce qui pourrait être le petit restaurant tenu par madame  Boudrias. En 1911, Louis Boudrias était le gérant de cette glissoire nommée la glissoire Mont-Royal (Le Devoir). Les lettres NTC ou MTC que l'on observe sur le drapeau pourraient être l'abbréviation du Northmount Toboggan Club ou du Montreal Toboggan Club.

On dit qu’une glissoire plus modeste sera installée au bout de l’avenue Lacombe près du bâtiment principal de l’Université de Montréal et qu’on y glissera jusque vers 1930. Nous n'avons malheureusement pas trouvé d'image à propos de cette dernière glissoire. 

Par la suite, les gens de la Côte-des-Neiges ont pu utiliser la glissoire située près du lac aux castors (photos). La structure de bois à gauche, permettant de propulser la glissade, a été en place jusqu'au début des années 1950. 

Dans ma jeunesse, au cours des années 1970, il y avait, à cet endroit, une piste de ski avec un remonte-pente à gauche et une section à droite pour glisser en toboggan.  Je me rappelle qu'il y avait tellement de gens qui glissaient en même temps à cet endroit qu'il fallait faire attention compte tenu qu'il n'y avait plus de pistes séparées dédiées à chaque toboggan comme à la belle époque. Il nous arrivait souvent d'être happé par un autre toboggan lorsque nous nous relevions après notre descente. Le toboggan, qui arrivait derrière, frappait nos jambes de sorte que, bien emmitouflés, nous rebondissions dans la neige en ayant plus de peur que de mal.

Il est clair que nos ancêtres adultes étaient de vrais amateurs de toboggan, car cette activité hivernale était pratiquée de façon compétitive.  En effet, certains amateurs de ce sport de glisse étaient à la recherche de sensations fortes comme John Anderson, membres du Montreal Snow Shoe Club.  Le 15 février 1873, il décida de descendre la côte à Bréhaut (Mountain Street à Westmount). Cette pente de 500 mètres, située sur le côté sud du sommet Westmount du mont Royal, était très dangereuse, car elle n'était pas aménagée pour y pratiquer ce sport de façon sécuritaire.  Après avoir atteint une grande vitesse, John, installé à l'avant du toboggan, perdit le contrôle et frappa un banc de neige. Son passager, assis derrière, quitta le toboggan en passant par-dessus lui ce qui lui permit de s'en sortir avec une commotion cérébrale. John fut moins chanceux. Ses jambes restèrent prisonnières du toboggan qui effectua plusieurs tonneaux. Il subit plusieurs blessures à la colonne vertébrale (image) de sorte qu'après de longues souffrances, il mourut le 28 avril 1873.       

Sources :

  • Archives de la Société d'histoire SHCDN
  • BAnQ
  • Becket, Hugues W (1882). The Montreal snow shoe club : its history and records. 532 pages.
  • Canadian Illustrated News 27 janvier 1883
  • Congrès international des raquetteurs Montréal janvier 1938
  • La Presse 25 octobre 1909
  • Le Devoir 22 novembre 1911
  • Montreal winter carnival souvenir 1887
  • Premier carnaval d'hiver en Amérique du 22 au 28 janvier 1883

Les secrets du boisé des Jésuites 

Par Jonathan Buisson - janvier 2024

Au sein de notre quartier, parmi les joyaux naturels qui résistent à l'urbanisation, le boisé du Collège Jean-de-Brébeuf se dresse comme une véritable oasis de verdure et de biodiversité. Partie intégrante de l'histoire séculaire du mont Royal et de l'île de Montréal, ce boisé, enclavé entre le Collège Jean-de-Brébeuf, l’École des hautes études commerciales de Montréal (HEC) et quelques bâtiments résidentiels du boulevard Édouard-Montpetit, constitue une chronique vivante des époques précoloniales jusqu'à nos jours. La richesse de son histoire, ses liens avec les Autochtones, les transformations par les mains d'entrepreneurs et de religieux, ainsi que son intégration impressionnante dans le paysage de l’École des HEC, dépeignent un tableau complexe et captivant. Plongeons dans cette exploration fascinante du boisé du Collège Jean-de-Brébeuf, où chaque arbre porte les empreintes du passé. Parmi les espaces boisés de notre quartier, le boisé du Collège Jean-de-Brébeuf se distingue comme l'un des plus beaux du secteur. Cette oasis de verdure et de biodiversité raconte une histoire fascinante à travers le temps.

Avant l'arrivée des Européens, l'île de Montréal était une vaste forêt parsemée de clairières fréquentées par les Autochtones de façon saisonnière, voire même de façon plus permanente, le mont Royal en particulier étant un endroit privilégié. Malgré les nombreuses découvertes faites un peu partout sur le mont Royal, le secteur du boisé ne possède malheureusement aucun artefact archéologique trouvé à ce jour. En revanche, une preuve du passage des Autochtones a été découverte : il s'agit d’une plante, le podophylle pelté ou pomme de mai (image), qui se retrouve hors de sa zone de répartition naturelle. On suggère ici une implantation par les Autochtones, ayant potentiellement replanté la plante dans le secteur à travers leurs déplacements. Les Autochtones utilisaient cette plante à des fins insecticides et laxatives.

En 1698, les terres de la Côte Notre-Dame-des-Neiges furent concédées par Gédéon de Catalogne. La portion où se trouve le boisé revint à Maturin Guillet. Comme tout censitaire s'installant sur une terre, il eut la tâche de défricher et de préparer son terrain pour les cultures, probablement en coupant tout le bois original du secteur.

Vers le milieu des années 1800, le riche marchand anglais John A. Leslie acquit ces terres, y développant des vergers, et fit construire des bâtiments de ferme ainsi qu'une maison (carte). Il est possible que certaines parties des sentiers actuels du boisé soient des vestiges de cette époque. Ces terres furent par la suite rachetées par les Jésuites du Collège Jean-de-Brébeuf, qui acquirent le terrain et le boisé.

Les Jésuites ont grandement participé à la conservation de ce boisé à des fins religieuses. Ils firent construire une grotte à son extrémité nord-est, que l'on peut encore apercevoir aujourd'hui lors d'une balade dans le boisé ou à l'intérieur de l’École des HEC (photo).

 

En conclusion, le boisé du Collège Jean-de-Brébeuf se dresse comme un témoignage vivant de l'histoire et de l'évolution de notre quartier. Des premiers pas des Autochtones à la vision contemporaine offerte par la baie vitrée de l’École des HEC, chaque étape a laissé sa marque. Ce sanctuaire naturel ne se contente pas d'être un refuge pour la biodiversité, mais aussi un espace pédagogique précieux. En préservant ce patrimoine vert au cœur de la métropole, nous préservons notre lien avec la nature et la riche histoire qui réside parmi les feuilles et les racines de cet espace vert singulier. Que les générations futures continuent à s'émerveiller devant cet écosystème préservé, et qu'elles s'engagent à perpétuer cette véritable perle au sein de notre communauté urbaine.

Avant la construction de l’École des HEC, sur le chemin de la Côte-Sainte-Catherine, le boisé s'étendait vers l'est jusqu'aux bâtiments de l'Université de Montréal (Faculté de l'aménagement). La construction de l’École des HEC a entraîné une coupure dans la continuité du boisé, affectant sa végétation et réduisant de moitié sa superficie initiale. Cependant, le boisé demeure bien intégré dans le décor quotidien de l’École des HEC, une baie vitrée offrant une vue imprenable sur celui-ci depuis la cafétéria (photo).

Le boisé, propriété du Collège Jean-de-Brébeuf (photo), demeure un lieu fantastique au cœur du quartier, abritant une biodiversité riche et offrant un refuge crucial pour la protection des espèces. Il devient ainsi un lieu pédagogique, invitant les classes à explorer et comprendre les espèces qui y résident et leurs interactions.

 

Le site patrimonial du Mont-Royal  

Par Sylvain Rousseau - avril 2024

Tel que mentionné dans le plan de protection et de mise en valeur du Mont-Royal, le Site du patrimoine du Mont-Royal a été créé en 1987 et son Plan d’urbanisme et de mise en valeur a été adopté en 1992. Par la suite, d’autres efforts ont été faits pour protéger et mettre en valeur le mont Royal, ainsi que pour rendre la montagne accessible et accueillante.

Il est intéressant de découvrir le périmètre du site patrimonial du Mont-Royal, ainsi que les grandes composantes de son territoire (carte) : les composantes « ensemble institutionnel » en bleu, « parc » en vert et « résidentielle » en brun clair. On constate que les éléments suivants de la Côte-des-Neiges font partie du territoire couvert par ce plan : les collèges Notre-Dame et Jean-de-Brébeuf, l’Université de Montréal, l’oratoire Saint-Joseph, le cimetière Notre-Dame-des-Neiges, les parcs Jean-Brillant et Troie, la Place du 6-Décembre-1989, ainsi que plusieurs résidences adjacentes.  La dominance de la couleur bleue fait ressortir l’importance des institutions et plus particulièrement l’étendue de celles qui se sont installées sur le flanc nord-ouest du mont Royal. Un objectif principal de ce plan est de protéger certains bâtiments et boisés d’intérêt, tout en renforçant le couvert végétal du mont Royal et en tentant de préserver, dans la mesure du possible, les espaces verts de l’arrondissement. On tient aussi à maintenir la biodiversité, les paysages et les vues et perspectives depuis et vers le mont Royal. 

Le site patrimonial a aussi été identifié comme un lieu d’intérêt archéologique, incluant des sépultures autochtones (carte).  Dans la Côte-des-Neiges, on mentionne dans une mise à jour d’étude de potentiel archéologique (Archéotec 2008) qu’un lieu de sépulture autochtone (S6) aurait été trouvé sous le chemin Queen Mary.  D’autre part, sur le terrain du pavillon des Petits Chanteurs du Mont-Royal (BiFj-081), les vestiges des dépendances de la villa Terra Nova (John Molson, 1848) présenteraient un intérêt archéologique (site archéologique Snow Hill). 

Finalement, une carte touristique du site patrimonial du Mont-Royal a été préparée dans le cadre des fêtes du 375e anniversaire de Montréal (2017) pour nous permettre de découvrir le parc du Mont-Royal et l’ensemble du site patrimonial à travers des promenades, des escales et des points d’observation. De cette façon, l’organisme Les amis de la montagne désire sensibiliser les gens à la conservation de ce site patrimonial tout en profitant des bienfaits de ce joyau naturel de paix situé en plein cœur de la ville.

Sources :

Plan de protection et de mise en valeur du mont Royal - 5.2.1_1a.pdf (ocpm.qc.ca)

Carte du parc du mont-Royal - carte_mont-royal_rv.pdf (montreal.qc.ca)

Site des amis du mont Royal - Accueil | les amis de la montagne (lemontroyal.qc.ca)

Mise à jour de l’étude du potentiel archéologique (Archéotec 2008), page 13 (note)

Le théâtre du Lac-aux-Castors (1934-1962)

Par Sylvain Rousseau - mars 2024

Saviez-vous qu’avant d’avoir leur superbe Théâtre de Verdure au parc La Fontaine, les Montréalais pouvaient assister à des pièces de théâtre en plein air sur le mont Royal? Même si ces installations
étaient plus rustiques que celles du parc La Fontaine, il semble que la vue plongeante sur le Lac-aux-Castors était magnifique. Cela faisait un petit bout de temps que je me demandais quel était ce
bâtiment à droite de la glissoire à toboggan située sur la butte du Lac-aux-Castors.

En effet, à partir de 1949, la troupe de théâtre Mountain Playhouse passe des annonces dans les
journaux pour ses pièces présentées au théâtre d’été du Lac-aux-Castors (photos de 1950). On y
mentionne que les spectateurs peuvent bénéficier d’une superbe vue sur le Lac-aux-Castors.

Dans le programme de la saison 1952 du Mountain Playhouse, on aperçoit le nom de William Shatner (Capitaine Kirk - Star Trek) comme acteur et gérant adjoint. On voit le jeune adulte de 21 ans assis sur le véhicule utilitaire de la troupe de théâtre (photo). William Shatner vivait près de l’avenue Monkland à Notre-Dame-de-Grâce, à deux pas du théâtre Canadian Art Theatre (5765, avenue Monkland) qui appartenait aussi à la troupe de théâtre du Mountain Playhouse.

En 1954, la jeune Béatrice Picard fera partie de la
pièce Gigi qui sera présentée en anglais au théâtre
du Lac-aux-Castors.

En approfondissant mes recherches sur les origines de ce théâtre en plein air, j’ai trouvé d’autres éléments historiques fort intéressants. En 1947, l’actrice montréalaise Rosanna Seaborn (photo), de retour au pays, présenta, dans ce théâtre du mont Royal, la pièce Songe d’une nuit d’été de Shakespeare, spectacle organisé par le Montreal Open-Air Theatre. Elle participa à la direction de la pièce et y incarna un des personnages (image - La Presse 12 juillet 1947, page 27). Il semble que ce soit Rosanna Seaborn qui offrit au jeune Christopher Plummer (photo) d’y faire ses débuts bénévolement. Selon l’article de la Patrie du 16 juillet 1947 (page 17), ce sera la première fois que la pièce Songe d’une nuit d’été sera jouée sous les étoiles à Montréal.

Christopher Plummer a vécu sa jeunesse à Montréal avec sa mère qui était la secrétaire du doyen des sciences de l’Université McGill et la fille du premier ministre canadien John Abbott.

Après avoir croisé William Shatner au Montreal Repertory Theatre, Christopher Plummer s’est
particulièrement distingué au festival de Stratford (Ontario) avant de partir pour New York (Broadway)
en 1953. Il se fera connaître au cinéma dans le film musical La Mélodie du bonheur (1965), aux côtés de
l’actrice Julie Andrews (photo).

C’est justement Claude Robillard qui fit installer un Théâtre de Verdure au parc La Fontaine en 1956. Ce théâtre de 2500 places, récemment rénové, offre gratuitement des spectacles de toutes sortes pendant l’été.

Finalement, c’est en 1962 que Jean Drapeau fera disparaître le théâtre d’été du Mountain Playhouse qui, grâce à nos souvenirs et à ces photos, demeure présent dans notre histoire.

Sur cette photo prise lors de l’inauguration du pavillon du Lac-aux- astors en 1958, on aperçoit
clairement le bâtiment du Mountain Playhouse en blanc, sans la structure de bois de la glissoire à toboggan.

À cette époque, Claude Robillard (au centre) était le responsable des parcs pour la Ville de Montréal dont le maire était Sarto Fournier (à droite).

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Histoire de l'hippodrome Blue Bonnets

Par Sylvain Rousseau - septembre 2024

L’hippodrome Blue Bonnets du Montreal Jockey Club a été construit en 1906, dans la section nord-ouest du village de Côte-des-Neiges (carte 1907), avant d’être abandonné, en 2009, sur le site actuel situé à l’ouest du boulevard Décarie, dans le prolongement de la rue Jean-Talon Ouest, juste au nord du chemin de fer du Canadien Pacifique. 

Tel qu’on peut le voir sur cette carte de 1879, cet emplacement se trouve sur les anciennes terres de grandes familles de cultivateurs de la Côte-des-Neiges, dont celles de Baptiste et Julien Boudrias, ainsi que celle de Félix Fortier.

Il ne s’agit pas de l’emplacement original de cet hippodrome, car l’hippodrome Blue Bonnets était situé à Coteau Saint-Pierre (maintenant Ville Saint-Pierre) depuis 1872, juste au sud de cet emplacement sur la même carte de 1879.  On le voit bien en vert près du chemin Upper Lachine (devenu Saint-Jacques aujourd’hui) au nord du chemin de fer du Grand Tronc (CN). En 1886, avec la construction du chemin de fer du Canadien Pacifique, le tracé de l’hippodrome a été coupé en deux.

On dit même que des courses de chevaux se tenaient à Coteau Saint-Pierre depuis 1828 et que, jusqu’en 1847, avant la construction du chemin de fer du Grand Tronc, un autre hippodrome aurait été situé encore plus à l’ouest sur le tracé de ce chemin de fer. 

Il y a plusieurs explications concernant l’origine du nom Blue Bonnets donné à l’hippodrome de 1872 et peut-être aussi à son prédécesseur encore plus à l’ouest. On sait que les bérets bleus étaient portés par les Écossais (image) qui étaient nombreux dans cette région de l’îIe. Or, en 1842, un des habitants, Alexander McRae, aurait ouvert le long du chemin Upper Lachine, près de cet endroit, une taverne très populaire qu’il aurait nommée Blue Bonnets, d’où le nom de l’hippodrome, selon cette légende. La présence écossaise dans ce secteur et possiblement le nom de la taverne et de l’hippodrome auraient même influencé le nom de ce village qu’on nomma Blue Bonnets Hill en 1883 avant de le renommer Ville Saint-Pierre, en 1894.

Avant de pouvoir compter sur l’hippodrome Blue Bonnets, la Côte-des-Neiges, comme d’autres villages, avait son propre hippodrome (carte de 1865). Il était situé le long du chemin Queen-Mary dans un immense quadrilatère délimité par les rues actuelles Jean-Brillant et Lavoie, ainsi que les avenues Lacombe et de Westbury (carte). Dès 1840, on en entend parler par le Montreal Snowshoe Club qui y tient des compétitions de raquettes pendant l’hiver.

En 1862, des annonces (image) sont publiées dans les journaux par le propriétaire Antoine Lemieux qui y tient des courses. Les participants peuvent gagner des bourses pour diverses compétitions. On peut imaginer qu’il y avait certainement une légère pente sur ce tracé, compte tenu de la géomorphologie de l’endroit.

Quoiqu’il en soit, à partir de 1906 et pendant plus de 100 ans, Montréal aura son principal hippodrome situé dans la Côte-des-Neiges. Sir Hugh Montagu Allan (1860-1951), propriétaire du Ravenscrag* (photo), sera longtemps le président du Montreal Jockey Club, responsable des installations de l’hippodrome Blue Bonnets. Dès 1907, on y tiendra des courses à dos de cheval, puis, à partir de 1943, on ajoutera au programme des courses avec harnais (photos).

*Note : le Ravenscrag était un bâtiment bourgeois du Golden Square Mile situé au pied du mont Royal, à l’extrémité nord de la rue Peel. Il est devenu l’institut Allan Memorial et fait partie du centre universitaire de santé McGill (CUSM).

Les courses de chevaux étaient divertissantes et, de plus, les paris hippiques étaient permis. Ils étaient un des rares types de loterie légale depuis longtemps au Canada, ce qui encourageait les citoyens à venir tenter leur chance. En 1957, Jean-Louis Lévesque agrandira le site qui pourra recevoir jusqu’à 12 000 spectateurs par jour tout en accommodant 1000 chevaux sur place. Il redonnera à cette industrie locale une erre d’aller pour les prochaines décennies.

À l’intérieur, le réputé restaurant Le Centaure (photo) de 500 places accueillait de nombreux convives qui pouvaient parier tout en mangeant grâce à un service de commissionnaires.  

On se souviendra de Jean Desautels qui, à partir de 1979, de sa voix claire au rythme fulgurant, indiquera la position des chevaux dans la course et, plus calmement, celle des chevaux gagnants, lors des courses tenues à Blue Bonnets.

En 1991, pour tenter de revigorer cette industrie en perte de popularité, la Ville de Montréal rachètera les installations pour 50 millions $. L’hippodrome Blue Bonnets sera alors renommé l’hippodrome de 

Montréal. En 1997, la ville devra malheureusement se résoudre à revendre à perte l’hippodrome au gouvernement du Québec pour 35 millions $. Il semble que ce sont les succès du nouveau Casino de Montréal, ainsi que la grève de 1993 des « hommes de chevaux » qui donneront le coup de grâce à l’hippodrome de Montréal. 

On se souviendra aussi de ce long bâtiment rayé orange et blanc (photo) qui aura longtemps attiré l’attention jusqu’à sa démolition en 2018. 

À la suite à la fermeture de l’hippodrome en 2009, un des plus grands événements montréalais fut organisé par Evenko : le spectacle du groupe U2 des 8 et 9 juillet 2011 qui attira plus de 160 000 spectateurs. Les installations grandioses du groupe, l’ambiance et la qualité du son ont marqué cet événement historique.  

Après avoir soulevé les foules, le site destiné au développement résidentiel est devenu aujourd’hui un havre de paix. La culture et la végétation ont repris leur place. Les arbres repoussent au centre et autour de l’ancien anneau de course. Sur ce site devenu en partie agricole, on cultive même cette année des melons de Montréal (photo) comme on les cultivait dans la Côte-des-Neiges, il y a 150 ans.  

Avec comme seul point de repère l’oratoire Saint-Joseph, cette photo captée sur le site de l’ancien hippodrome nous permet d’imaginer un peu à quoi pouvaient ressembler les terres des Boudrias et des Fortier, 150 ans plus tôt.

D’ici une dizaine d’années, le site, qui est enclavé par les chemins de fer et l’autoroute Décarie, devrait être développé pour devenir un endroit résidentiel.     

 

Sources :

BAnQ

Atlas of the island and city of Montreal and Ile Bizard, Atlas Publishing Co., 1907, plate 43 

Atlas of the island and city of Montreal, Henry W. Hopkins, 1879, page 33 

Contoured plan of Montreal & environs , Sitwell, 1868, page 1

Maison Ravenscrag,  William Notman & Son, 1901, Musée mcCord

Archives de la Ville de Montréal

Archives de La Presse : 3 février 1996 – Arts D-14 et hyperliens (juillet 2011) :

https://www.lapresse.ca/arts/musique/201107/06/01-4415629-u2-a-montreal-du-sur-mesure-pour-la-demesure.php

https://www.lapresse.ca/arts/musique/201107/10/01-4416656-u2-a-montreal-une-machine-bien-huilee.php

Montreal Herald, 18 septembre 1862 page 2 - Races at Côte-des-Neiges

Archives du Journal de Montréal et TVA Nouvelles - Blue Bonnets raconté par Jean Desautels (vidéo) : https://www.youtube.com/watch?v=gZYanxw_11A

Photos de Jonathan Buisson

     

 

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