smcdn.ca

Société d'histoire

L'époque de la Nouvelle-France

La pierre énigmatique de la maison Pierre Hablin 

Par Sylvain Rousseau - juin 2023

Dans une publication de E.Z. Massicotte (le Cahier des Dix no 4, 1939), il est fait mention d’une pierre énigmatique qui l’incita à effectuer des recherches. En fait, il s’agissait d’une pierre provenant de la maçonnerie de la maison de Pierre Hablin (bâtie en 1723 et démolie en 1928) située sur le site du pensionnat des Sœurs de Sainte-Croix (devenu aujourd’hui une aile de l’hôpital général juif). La pierre se situait au-dessus de la porte d’entrée (sous le toit). Une petite niche aurait servi à exposer une statue de la vierge Marie représentant Notre-Dame-des-Neiges (photos et images).  

En 1713, Pierre Hablin épousa Barbe Beaudry, la veuve du censitaire Guillaume Cavelier (1698), avant de faire construire cette belle maison rurale en 1723 sur les terres du censitaire défunt. La façade était dirigée vers la montagne plutôt que vers le chemin de la Côte-des-Neiges.

Cette maison historique a aussi appartenu à Louis Prud’homme, le petit fils du premier capitaine de milice et premier brasseur de Montréal ayant le même prénom, et à la famille de Pierre Durant dit Desmarchais. 

Cette pierre a été taillée il y a 300 ans. Nous croyons qu’il s’agit du dernier artéfact de la Côte-des-Neiges datant de la période de la Nouvelle-France

Mères des premiers censitaires de la Côte-des-Neiges

Par Sylvain Rousseau - février 2024

En juin 2023, pour souligner le 325e anniversaire de la Côte-des-Neiges (1698), la Société d’histoire
Souvenirs et mémoires de la Côte-des-Neiges invitait trois Filles du Roy de la Société d’histoire
des Filles du Roy (1663-1673) à la fête organisée au Parc Jean-Brillant.  Il s'agissait de :

  • Catherine Paulo, mère du censitaire Pierre Hay
  • Jeanne Barbier, mère de Pierre Hablin et d'Antoine Boudrias
  • Marguerite Richer, mère du censitaire Jean-Baptiste Desforges

 

Devenu, par la suite,  membre de la Société d'histoire des Filles du Roy, Sylvain Rousseau a publié cet article dans l'infolettre L' Écho des Filles du Roy (no 39 - Février 2024) afin de commémorer la contribution des Filles du Roy au peuplement de la Côte-des-Neiges. 

Localisation des terres des premiers censitaires de la Côte-des-Neiges

  • La terre no 6 de Jean Desforges au nord-ouest du cimetière Notre-Dame-des-Neiges
  • La terre no 18 de Pierre Hay (père du premier tanneur) près du parc Martin-Luther-king (Kent)
  • La terre no 30 de Guillaume Cavelier sur le site de l'Hôpital général juif (maison Hablin) 

La maison Simon-Lacombe : 275 années de métamorphose

Racontées par Sylvain Rousseau - mars 2024 (mises à jour sept. 2024, janv. 2025)

La maison Simon-Lacombe est la plus ancienne maison de la Côte-des-Neiges. Elle est située à l’entrée secondaire du cimetière Notre-Dame-des-Neiges (photo). Bien qu’heureusement elle soit classée monument historique et qu’elle soit située sur le site patrimonial du mont Royal, il est triste de constater qu’elle n’est plus habitée. Nous aimerions tant revoir de la vie à l’intérieur de cette belle maison qui symbolise le patrimoine rural de la Côte-des-Neiges, qui rappelle la vie de ses artisans et qui incarne l'histoire de la Côte-des-Neiges et de sa métamorphose.

On aperçoit sur la carte de 1912 (image), le lieu d’origine de la maison Lacombe le long du chemin de la Côte-des-Neiges (photo). La flèche rouge pointe en direction de cette maison. En bleu, on aperçoit le tracé du ruisseau Raimbault qui passait à l’arrière et qui, jadis, alimentait cette tannerie en eau.  La vue aérienne montre le déplacement de la maison vers l'entrée du cimetière (image - flèche blanche).

La date de construction de la maison de bois acquise par Simon Lacombe et située sur le chemin de la Côte-des-Neiges a longtemps été sujette à discussion. Elle a d’abord été établie à 1713. Puis, à la suite d’autres recherches, on a plutôt estimé sa construction entre 1751 et 1781, après que Joseph Henry Jarry dit Henrichon eut acquis le terrain en 1751. C'est à partir de ce moment que cette ferme devient le lieu de la seconde tannerie de la Côte-des-Neiges après celle de Pierre Hay, installée depuis 1737.

Tel que mentionné dans le livre de Conrad Gallant (sources), l'ère de l'industrie de la tannerie commencera en 1751 et se terminera en 1846.  Au cours de cette période, Joseph Henry Jarry dit Henrichon fera de cette maison une tannerie et elle le demeurera jusqu'à ce que le voisin de Simon Lacombe lui coupe son approvisonnement en eau en détournant le ruisseau peu après 1835.       

Simon Lacombe (1779-1851) avait pris possession d’une maison en bois sur ce terrain en 1825 et lèguera une maison en pierre à son fils Joseph en 1848. Il semble que les pierres auraient pu provenir du terrain de Pierre Durand dit Desmarchais (1756-1836), le beau-père de Lacombe (arbre généalogique). La maison demeurera la propriété de la famille Lacombe de 1807 à 1907, soit pendant 100 ans. 

Dans les années 1950, la Ville de Montréal planifia l’élargissement du chemin de la Côte-des-Neiges. En 1954, Russel Smith, propriétaire de la maison, entreprit des démarches pour faire déplacer la bâtisse alors menacée de démolition, mais ses démarches échouèrent. En 1956, la maison fut expropriée par la Ville.

En 1957, les travaux de démolition débutèrent à l’intérieur. La Commission des sites et monuments historiques du Québec fut avisée que des travaux de démolition de la maison Simon-Lacombe étaient en cours. Cette Commission réussit à faire interrompre les travaux avant que les murs en pierre ne soient démolis. La Fabrique Notre-Dame et la Commission des sites et monuments historiques du Québec conclurent alors une entente stipulant que la maison pouvait être relocalisée sur une parcelle de terrain du cimetière Notre-Dame-des-Neiges.

Dans les années 1910, le lieutenant Auguste Courtois, policier au poste no 18, habitait cette maison historique qu'il louait probablement à William Thomas Nicholls.  Puis, l'architecte Grattan D. Thomson, qui s'y intéressait, l'acheta et l'habita à partir de 1922. Finalement, en 1930, c'était au tour de l'industriel Russel Smith, secrétaire de la compagnie C. I. L., d'en faire l'aquisition et de tenter de la sauvegarder.

Démolition février 1957, The Gazette, 25 février 1957 

Atlas of City of Montreal,  E. Goad, 1912, plate 228 

Photo Sylvain Rousseau

Vues aériennes, archives de Montréal

Démolition mars 1957, Collection famille Chalifoux

Ancestry, arbre Rousseau-Massicotte

Photo Sylvain Rousseau

Fonds Ramsay Traquair

Photo Jonathan Buisson

Plan du rez-de-chaussée par l'architecte Victor Depocas, 1957

À l'extérieur, la maison Simon-Lacombe retrouva donc son aspect d’origine de type rural, avec des murs coupe-feu décoratifs qui la distinguent.  On conserva aussi les corbeaux (photo).  Tel que mentionné dans le livre de Conrad Gallant (sources), ces murs à pignons découverts en milieu rural seraient une réplique de l'architecture urbaine que l'on retrouvait dans la ville de Montréal à la suite de l'incendie de 1721. En effet, l'ingénieur Chaussegros de Léry,  avec son ordonnance de 1727, proposait ce type d'architecture pour éviter la propagation des incendies d'un bâtiment à l'autre à l'intérieur des fortifications de Montréal. 
 

Le bâtiment fut classé monument historique en 1957. Il fait partie du site patrimonial du Mont-Royal et a servi de résidence au directeur général du cimetière jusqu'en 1996. Restaurée en 2008, la maison a été utilisée par l’organisation du cimetière pendant quelques années.
 

C’est ainsi que le bâtiment sera démonté et reconstruit sur une nouvelle fondation de béton à l’entrée du cimetière, à l’angle de l’avenue Decelles et du chemin de la Reine-Marie. La structure et les intérieurs du bâtiment n’ont pas été conservés. Sa nouvelle charpente de construction moderne fut cependant recouverte des pierres de maçonnerie d’origine (voir le plan d'architecte plus bas). Il faut noter que lorsque cette maison était une tannerie, le rez-de-chaussée servait d'atelier et le lieu de vie se trouvait à l'étage.
 

Dans le Plan directeur d’aménagement du cimetière Notre-Dame-des-Neiges (10 mars 2004), on propose de faire de la maison Simon-Lacombe un poste d’accueil et un centre d’interprétation de l’histoire du cimetière. Toutefois, cette proposition ne se concrétisera pas. La maison a été restaurée en 2008, mais a plutôt été utilisée par l’organisation du cimetière pendant quelques années.

Il est intéressant de voir que ce plan prévoyait aussi d'aménager un plan d'eau à l'emplacement de l'ancien ruisseau Raimbault dans le cimetière (carte de 1866 avec le tracé du ruisseau en bleu).

 

Maison Lacombe encerclée en jaune, Fortification Surveys, 1866 

Malheureusement inhabitée depuis plusieurs années, la maison Simon-Lacombe demeure aujourd’hui un des derniers symboles ruraux du passé de cet ancien village de la Nouvelle-France. Cette maison de bois fut elle-même métamorphosée pour devenir une maison de pierre. Puis, comme plusieurs bâtiments de la Côte-des-Neiges, elle fut menacée de démolition.  Heureusement, après avoir été partiellement démolie, elle fut sauvée, déplacée et rebâtie. On conserva son allure extérieure incluant ses pierres et on s'intéressa à son histoire.  En logeant un des premiers tanneurs de la Côte-des-Neiges, cette maison a vu naître les premiers artisans de ce village qui était, jusqu'alors, essentiellement habité par des cultivateurs. Puis, avec l'arrivée du cimetière (1855),  le village des tanneurs deviendra aussi celui des fossoyeurs, des tailleurs de pierre et des jardiniers.  L'histoire de cette demeure en est une de métamorphose depuis sa construction il y a près de 275 ans. Elle incarne à elle seule l'histoire de la Côte-des-Neiges. 

C’est pour cette raison que la photo de cette maison se retrouve sur la couverture du livre Histoire de la Côte-des-Neiges – 325 années de métamorphose. Le photographe a su faire ressortir le côté négligé du bâtiment sur un terrain laissé en friche. Cette photo, pourtant récente, aurait pu être prise 200 ans plus tôt, car, détachée de son environnement urbain, on pourrait croire que cette maison de pierre se situe encore à la campagne comme dans son village ancestral.

Détail du corbeau d'un mur-pignon (photo Mario Brodeur) 

Chaque fois que j’aperçois la maison Simon-Lacombe, je ressens un mélange d’émotions difficile à définir. Il s’agit d’un amalgame de joie, de nostalgie et d’inquiétude. Je suis certes heureux que cette maison existe encore après 275 ans, car elle me rappelle les tanneurs, le ruisseau et le village disparu. Cependant, son état actuel me laisse croire que son avenir n’est pas assuré. J’aimerais tant que cette petite maison soit pleine de vie. En fait, je rêverais qu’elle soit habitée par d’autres vestiges du passé et artefacts auxquels nous aurions tous accès, dans le cadre d’un musée ou d’un centre d’interprétation.

   

 

Cette histoire nostalgique m'a inspiré dans l'écriture d'un petit poème : 

Pour lire Élégie de la maison Simon-Lacombe, cliquez-ici

 

 

Sources :

BAnQ

Archives de Montréal

Atlas of the City of Montreal, E. Goad, 1912

Fonds Ramsay Traquair : the Architectural Heritage of Quebec (101870)

La Presse 28 mai 1989 La maison de Côte-des-Neiges (page E-8)

Répertoire du patrimoine culturel du Québec - Maison Simon-Lacombe – https://www.patrimoine-culturel.gouv.qc.ca/rpcq/detail 

Plan directeur d’aménagement du cimetière Notre-Dame-des-Neiges, Office de consultation publique de Montréal, 10 mars 2004, page 11

La reconstruction d'un monument historique - La maison Simon-Lacombe au cimetière Notre-Dame-des-Neiges, Conrad Gallant, Mémoire et histoire

Ancestry - arbre Rousseau-Massicotte


 

 

 

Pour être avisé par courriel 

des nouveaux articles disponibles sur ce site